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10 000 KM

Une course sacrée à travers les terres volées des Indiens d’Amérique.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Bonnot
COUVERTURE
Bienvenue à la prière la plus longue du monde, elle se fait en courant.

Noé Álvarez est américain, fils d’immigrés mexicains, et n’a pour horizon que les rues d’un quartier pauvre de Selah, dans l’État de Washington. Sa seule échappatoire à cet univers morose :  la course à pied. Quand il entend parler d’un ultra-trail à travers les États-Unis, du Canada au Panama, pour la paix et la dignité des communautés amérindiennes, il n’hésite pas une seconde. Il quitte l’université et s’embarque pour la course la plus longue de sa vie.

Une course spirituelle qui le reconnectera à ses racines et à la terre, l’aidera à dépasser ses préjugés sur ses origines et sa condition sociale et fera de lui un homme fier.

Lire l’extrait

COUVERTURE
« Dans l'ombre de Raymond Carver, enfant de Yakima, grand écrivain des petites gens, et au rythme des foulées des coureurs sacrés, Noé Alvarez écrit. Une réflexion sur la différence, sur la tolérance et sur la paix souhaitée »
Fabien Bernier, librairie Decitre Grenoble
« Et au lecteur de parcourir (à défaut de courir) ce chemin où l'ethnologie, la sociologie, la politique rencontre l'humain, l'Histoire, les histoires. Des récits intimes qui se mêlent aux introspections de l'auteur.  »
Hakim, Maison de la presse d'Aix-les-Bains
« Une course à l’échelle d’un continent, racontée en prenant en compte, bien sûr, la dimension sportive mais surtout ses aspects culturel, patrimonial et social ? C’est le tour de force relevé par Noé Alvarez »
Jérémie Banel, librairie Libertalia

L’auteur

Noé Álvarez est fils d’immigrés mexicains, il a été élevé dans un milieu ouvrier à Yakima, dans l’État de Washington. Il est diplômé de philosophie au Whitman College et d’écriture créative à l’Emerson College. Il vit à Boston où, jusqu’à récemment, il travaillait comme agent de sécurité dans l’une des plus vieilles bibliothèques du pays, le Boston Athenæum.

PRESSE

« Un récit haletant et émouvant sur la vitalité des communautés amérindiennes, en même temps que la profondeur transgénérationnelle de leurs blessures. »
Le Monde des Livres
« Le livre explore les nombreuses facettes de l'héritage d'Álvarez, arpentant les terres de Carver, tout en traçant un nouveau chemin. »
The New York Times
« 10 000 km est un grand récit d’aventures »
Publishers Weekly

INFOS TECHNIQUES

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
RÉCIT INITIATIQUE
978-2-38134-032-6
340 pages
21.10 euros
2022

Nous courons libres

Noé a à peine rejoint la course qu’il connaît ses premières difficultés. Il va devoir tenir physiquement sur la longueur et surtout gagner sa place dans le groupe.

 

« Ok, prochain coureur », annonce Andrec en freinant, ce qui en réveille certains.

Tout le monde sort pour s’étirer un peu. Le grand van est garé à côté de nous, Trigger est au volant.

« Noé, tu repars d’ici », me dit Andrec.

Ce sera mon deuxième tronçon de la journée. Encore 15 km.

Les coureurs s’entassent à l’arrière du van avec Andrec. Mes muscles sont raides. J’ai les jambes qui tremblent. Je cache ma douleur. Mes chaussures ne m’aident pas beaucoup. J’essaie de m’étirer, mais dès que j’aperçois le regard de Trigger posé sur moi, je m’élance sur le chemin qui s’enfonce dans la forêt épaisse, comme tout à l’heure. Tout est si vert autour de nous. Je ne veux pas qu’il pense que je suis faible. Pendant un moment, je cours devant les deux vans qui doivent manœuvrer entre les nids-de-poule creusés par la pluie et, désormais, par mes pieds. Je sens le poids de ce public, les regards braqués sur moi, se demandant qui est ce nouveau, me jaugeant moi, mon mental, ma condition physique, doutant peut-être que j’aie ce qu’il faut pour courir pendant cinq mois et atteindre la ligne d’arrivée au canal de Panama. Je ressens déjà la douleur du coureur de fond. Le minivan gris est le premier à accélérer et me contourne soigneusement par la gauche pour aller déposer les coureurs à intervalles réguliers, tandis que Trigger doit se rendre à l’arrivée de l’étape pour récupérer les autres. J’essaie de ne pas montrer que mes crampes et mes ampoules me font souffrir.

« Allez bonhomme. Mexica, tiawi ! », crie Tlaloc par la fenêtre quand le van gris me dépasse. « Allez les Mexicains ! » en nahuatl.

Le van gris disparaît, me laissant avec Trigger qui m’observe depuis la camionnette. Il roule doucement à côté de moi, une main sur le volant, l’autre sous son menton. Il me jette un regard noir.

« Tout le monde fait le taff ici. Compris ? »

Je hoche la tête. De son point de vue, je suis un poids mort. Un petit nouveau qu’il faut remettre à sa place.

« C’est pas un jeu.

— Compris. Je suis là pour faire le boulot. Sans rire. J’ai envie d’apprendre », dis-je, entre deux inspirations. Avec un rictus, il appuie sur l’accélérateur, ses roues continuant de déchiqueter la terre, puis il disparaît au loin sur le chemin qui serpente entre les pins. Je comprends maintenant que Trigger encadre les PDJ, du moins officieusement. Il a une attitude de leader ou peut-être de brute.

Je donne des coups de poing dans le vide et je me bats la poitrine comme si j’étais au bord de la Naches – je réveille ma chair. Le vent fait claquer les branches autour de moi, pareil à un fouet destiné à me revigorer. Je profite d’être seul pour crier le plus fort possible, pour faire sortir toute la laideur au fond de moi. Je crie pour rendre mon discours physique, pour donner du muscle à mes mots et pour trouver la force nécessaire de dire les choses que je n’ai jamais réussi à formuler.

Je cours pour suivre du mieux possible le chemin de ceux qui m’ont précédé : les migrants qui ont connu la souffrance et les privations. Je cours pour retrouver des fragments de mes parents disséminés dans la terre, des artefacts, leurs histoires d’espoir et de désespoir. En me confrontant à tout cela, j’essaie de mettre enfin un terme à toute la souffrance qui me hante depuis mon enfance. Je veux apprendre à embrasser mon passé, l’endroit d’où je viens, et à m’aimer à nouveau.

Dans cette forêt, je sens que je suis enfin sur le chemin de ma libération.

 

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