Retour

LE PRODIGE

Comment j’ai acheté un génie du foot pour décider de son avenir sportif (et devenir riche)

Traduit de l’espagnol (Chili) par Guillaume Contré
Meneses_Marchialy
Si vous achetez quelqu’un, vous décidez de son destin.

Juan Pablo Meneses part à la recherche du prochain Lionel Messi, et pour cela il est prêt à mettre la main à la poche, à l’acheter cash. Au cours de sa quête, il rencontre des parents prêts à vendre leur enfant de 9 ans, des agents malhonnêtes, des équipes de foot au succès international qui viennent briser les guibolles de jeunes prétendants. Ce livre, à l’aspect d’un manuel de manageur, raconte l’histoire de milliers de jeunes footballeurs qui souffrent sur le terrain et les bancs de touche, malmenés par une industrie sans pitié.

Après avoir acheté un être animal (La Vie d’une vache), Juan Pablo Meneses poursuit sa quête de richesse en achetant un être humain au cours d’une démarche originale et propre. Une démarche par l’absurde qui pointe les limites de notre monde consumériste.

Lire l’extrait

Meneses_Marchialy
« Avec pour trame narrative le capitalisme, ses arcanes, ses mauvaises odeurs, ses idéaux, ses dévastés et ses rescapés, une enquête passionnante d’un écrivain trublion au ton aussi fleuri qu’intelligent, l’œil plein d’acuité et la main pleine de brio.  »
Fabien Bernier, Librairie Decitre Grenoble

Juan Pablo Meneses est né au Chili en 1969. Écrivain et journaliste, il a publié dans les plus grands journaux et magazines sud-américains. Ardent défenseur du journalisme free-lance, il a aussi fondé l’école de journalisme en ligne Universidad Portatíl.

PRESSE

« Une proposition extrême, créative et très innovante dans le panorama du journalisme hispano-américain.  »
La Nación, Argentine

INFOS TECHNIQUES

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
ENQUÊTE
978-2-38134-036-4
300 pages
21.5 euros
2022

L'AGENT

Notre auteur-manager part à la rencontre d’un fixeur-agent pour prendre conseil et se faire une place dans le commerce d’enfants prodiges du football.

Je suis à table avec un agent de la FIFA, son frère et l’ami qui me les a présentés. Nous avons commandé des fruits de mer. L’agent de la FIFA ne comprend pas l’objet de la réunion, mais il aime être invité à manger des fruits de mer.

Je lui explique :

« J’écris un livre sur l’achat d’un joueur. Je veux acheter un enfant footballeur.

– Écoute, je ne sais pas ce que tu cherches vraiment, écrire un livre ou faire des affaires, mais laisse-moi te dire une chose que tout le monde a du mal à comprendre : le football n’est pas une bonne affaire. »

Il le dit tout en dégustant des oursins et des huîtres. Il porte un costume gris, une cravate assortie et une montre éblouissante. Il a plus de 60 ans et des cheveux blancs. Nous sommes dans un des meilleurs restaurants de fruits de mer de Santiago. Au cours du déjeuner, il raconte des anecdotes. Mais toujours avec méfiance. Jamais il ne se détend.

La FIFA possède environ 5 000 agents assermentés qui ont passé un examen, ont déposé une caution et ont présenté des documents qui les accréditent. Ils doivent suivre une formation et être diplômés. L’agent avec lequel je déjeune est ingénieur et travaille dans le monde du football depuis plusieurs décennies. Il ne manque pas d’histoires à raconter, comme celle dans laquelle il se lance maintenant, à propos d’un jeune joueur qu’il a placé dans le football hollandais et qui est devenu une grande figure.

« Mais seulement une grande figure du rhum et du whisky, dit-il en riant. Il passait la moitié de son temps blessé et l’autre à moitié ivre. »

Je lui dis que j’ai deux joueurs en vue. Et j’ajoute que l’un d’eux, un gamin de 11 ans, veut acheter de la nourriture et des meubles à sa famille avec l’argent de son premier gros contrat.

« Tous ces mômes viennent de milieux très pauvres. La marchandise, ça les rend fous. Ils achetent de la nourriture, des sacs de sucre, des cartons d’huile d’olive. Lorsqu’ils reviennent de leurs vacances européennes, ils montent de véritables supermarchés pour que rien ne manque à leur famille. »

Dans ce milieu, tout le monde se connaît. En fait, il serait plus juste de dire que tout le monde se méconnaît. A chaque nom de manager que je prononce devant lui, l’agent de la FIFA me répond d’un ton monocorde : « Ce type, c’est un escroc » ; « Celui-là, c’est un délinquant » ; « Ne me parle pas de cet imbécile. » Il dit qu’on lui a « piqué » des joueurs sous le nez. Aujourd’hui, la meilleure façon de faire main basse sur le joueur d’un autre représentant, c’est offrir des cadeaux au joueur et attendre que son contrat d’un an s’achève. Il se rappelle s’être fait piquer un joueur parce qu’on lui avait offert une console Nintendo Wii, et un autre à qui on avait proposé une voiture.

« Si tu veux entrer dans ce business, tu dois garder à l’esprit qu’on peut te piquer ton poulain. Et ne pas oublier que, quel que soit leur âge, 7, 12 ou 17 ans, ils n’en restent pas moins des mineurs. »

Selon la Convention internationale des droits de l’enfant, depuis le 2 septembre 1990 est considéré comme tel « tout être humain de moins de 18 ans », sauf si, en vertu de la loi qui pourrait lui être appliqué, il a atteint plus tôt la majorité.

L’agent insiste pour que je ne lui fasse pas dire ce qu’il me dit pourtant. Il me regarde et demande :

« Et si tu t’attaches à l’enfant, tu feras quoi ?

– J’envisage de le vendre avant de m’attacher. »

J’ai compris que la meilleure façon de faire de l’argent, c’est acheter et revendre le plus vite possible. Cela fait partie de la méthode cash et je l’ai appris en m’achetant une vache. On m’a répété mille fois que si tu t’attaches, l’affaire s’écroule, et moi je veux écrire un livre qui parle du fonctionnement des affaires.

« Tu es prêt à avoir toute la famille sur le dos ?

– Heu… en vérité, non.

– La famille n’arrêtera pas de te harceler, ils te réclameront de l’argent pour tout. »

Lorsque l’addition arrive, il regarde son étincelante montre et fait mine de sortir sa carte de crédit. Puis il remercie pour l’invitation et me souhaite bonne chance dans mon investissement.

Avant qu’il ne s’en aille, je lui demande une dernière fois :

« Bon, alors, pour résumer : je l’achète ou je ne l’achète pas ? »

Il me tend la main, fait une grimace et lâche en guise de conseil :

– Je ne vais pas te répondre “oui” et je ne vais pas te répondre “non”. Je vais te dire : “en aucune manière”. »

NEWSLETTER

Tous les mois, Marchialy vient à vous et vous informe de son actualité, ses nouveautés et prochaines parutions.

Inscrivez-vous