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QUE MA MORT SOIT UNE FÊTE

Traduit de l'espagnol (Argentine) par Michèle Guillemont
Couverture-que ma mort soit une fete Marchialy
Le dernier Robin des Bois était argentin.

Victor Vital, alias El Frente, est un ado de 17 ans comme les autres : il sort danser la cumbia dans les clubs de Buenos Aires, fait les quatre cents coups avec ses amis, vit des histoires d’amour passionnées, à ceci près : il habite l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale argentine. Pour survivre au jour le jour, il vole et redistribue beaucoup, considéré comme le dernier voleur à avoir un code d’honneur. En 1999, alors qu’il est sur le point de se rendre, les forces de l’ordre tirent à bout portant et le tuent. Une icône est née.

C’est à peu près à ce moment-là que Cristian Alarcón, journaliste, entend parler de cette légende. Pendant deux ans, il fréquente le quartier, s’entretient avec ses proches, des membres de gangs ou des voleurs afin de reconstituer sa vie et rendre compte de son héritage. Avec Que ma mort soit une fête, il a souhaité livrer un récit humain sur ces banlieues délaissées où la solidarité prend le pas sur la violence.

Lire l’extrait

Couverture-que ma mort soit une fete Marchialy
« Cristian Alarcón fait ressortir l’humanité de ceux qui ont survécu à la drogue, au trafic, au meurtre dans les quartiers misérables de Buenos Aires. Son écriture vous transporte et vous fait pardonner des figures impardonnables.  »
Philippe Bourgois, auteur d’"En quête de respect", Seuil
« Le poignant requiem cumbia d'un gamin des bidonvilles. Un panorama social et politique. Il fait visible les gens de peu, les gens normaux, il raconte notre monde. Bang bang ! »
Librairie Decitre Grenoble

L’auteur

Cristian Alarcón est un auteur et journaliste chilien. Il est professeur à la Fondation Gabriel García Márquez pour le nouveau journalisme latino-américain et à l’université nationale de La Plata en Argentine. Il a créé, en 2012, Anfibia, une plate-forme digitale dédiée au journalisme narratif latino-américain. Que ma mort soit une fêteest son premier livre publié en français.

 

PRESSE

« Pendant deux ans, le journaliste Cristian Alarcón a mené un patient travail de terrain pour délier les langues et les mémoires. Un modèle d’excellence de journalisme narratif. »
Le Monde des livres
« Cristian Alarcón a mené une enquête de terrain qui relève presque de l'anthropologie. »
Corse-Matin

INFOS TECHNIQUES

LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
ENQUÊTE
978-2-38134-009-8
200 pages
20 euros
2021

EXTRAIT : AU RYTHME DE LA CUMBIA

Cristian Alarcón revient sur les débuts de son enquête. Il s’interroge sur son métier de journaliste et sur la vérité à raconter : doit-il s’en tenir aux faits, ou bien s’attarder quelques instants – qui se transformeront en plusieurs mois – sur le lieu d’un crime jusqu’à se balancer au rythme du quartier ?

Je suis arrivé dans ce quartier pauvre de la banlieue nord de Buenos Aires, à quelques rues de la gare de San Fernando, sans rien savoir de lui, si ce n’est qu’un crime y avait été commis et qu’une nouvelle idole païenne y était née. Víctor Manuel Frente Vital, le « Front », 17 ans, un petit voyou, avait été abattu à bout portant par un brigadier de la police de Buenos Aires alors qu’il criait, de sous la table d’une baraque où il avait trouvé refuge, de ne pas tirer, qu’il se rendait. Il était devenu pour les survivants de sa génération un saint d’un type particulier : on lui attribuait le pouvoir de détourner la trajectoire des balles et de sauver les petites frappes de la mitraille.

Entre ses 13 et 17 ans, Frente avait accumulé les casses et acquis une réputation dans le quartier grâce à son jeune âge, à sa générosité au moment de partager le butin obtenu avec son calibre .32 au poing, à son respect du code de l’honneur enterré depuis par les trahisons, et aussi parce qu’il agissait toujours de front. La vie de Víctor Vital, sa mort, ainsi que le quotidien des survivants de cette banlieue pauvre de troisième couronne – les quartiers San Francisco, 25 de Mayo et La Esperanza – sont une incursion dans un territoire de prime abord hostile, méfiant comme un enfant battu qu’un inconnu approche. Le nom de Frente est le sésame qui m’a permis d’accéder aux passages étroits et au dédale d’allées intérieures, aux secrets et aux vérités cachées, au cœur battant de cet endroit qui se balançait et remuait au rythme de la cumbia, qui de loin ressemblait à un quartier et de près n’était qu’un enchevêtrement de ruelles sombres.

Peut-être aurait-il mieux valu m’intéresser à d’autres histoires : révéler l’identité d’un assassin, les circonstances d’une fusillade, annoncer un message de la mafia, mettre au jour le réseau d’un ripou, écrire sur un crime passionnel commis avec un poignard bien effilé. Chacune de ces histoires m’aurait permis de porter des accusations, de suivre les rouages judiciaires pour établir ce que les avocats appellent l’« auteur du délit », et les journalistes l’« épreuve des faits ».

Mais un jour, j’ai essayé de suivre maladroitement le rythme chaloupé des voyous de San Fernando, je me suis assis pendant des heures au même coin de rue qu’eux et j’ai observé comment ils jouaient au foot et avaient tabassé leur arrière centre parce qu’il était trop mauvais. Je me suis immergé dans une nouvelle langue et une nouvelle notion du temps, dans une autre manière de survivre et de vivre jusqu’à l’heure de sa mort. J’ai appris à connaître ce quartier jusqu’à en ressentir sa souffrance.

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